Ce matin, après une nuit fort agitée pour mon Mignon j'ai décidé de le garder près de moi à la maison et de ne pas l'emmener à l'école.
Plus précisemment, du haut de ses 2 ans et demi, les yeux pleins de dodo, le teint livide et les larmes perlant, il me dit "pas écol maman shoplait"..oui ce matin, j'ai craqué.
Je me suis dit qu'il allait se reposer, me laisser faire la montagne de trucs que j'ai en retard et se tenir sage comme une image. Evidemment, c'est à croire que c'est mon premier et je que je suis une innocente pas encore rompue aux yeux doux, car le petit machin me fait une vie infernale, toute fatigue envolée en même temps que mes douces rêveries de repos ou autre joyeuseté.
Quand j'ai debarqué dans sa chambre et que je le regardais dormir si profondément à cause de la nuit ponctuée d'aller retours vers mon lit et de cauchemards divers, j'ai été attendrie.
Attendrie parce que je l'adore évidemment et parce qu'aujourd'hui plus qu'hier, pourquoi je l'ignore, je me suis souvenue, que la vie avait un jour décidé, que plus jamais des yeux bleus me diraient maman.
Alors que mon corps a depuis toujours adopté la ligne courbe, mon organisme a toujours refusé de tourner rond.
Très jeune je souffre de polypes intestinales, je subis plusieurs interventions mais sans succès. A l'âge de six ans, je fais une appendicite qui se solde par une périthonite aigüe qui manque de m'emporter.
A sept ans, dans une grande vague aventureuse je bois de grandes gorgées d'eau de javel (croyant étancher ma soif par de la citronade) ce qui me vaut encore un beau séjour en clinique.
A huit ans, je démarre de grande crises d'asthme qui me valent des séjours aux urgences quasi toutes les semaines.
Je ne me rends quasi jamais chez un médecin de mon propre chef, il faut vraiment qu'il y ait un problème majeur. Mon médécin traitant, un ami, est d'ailleurs toujours inquiet quand il me voit débarquer de peur que ça n'arrive trop tard.
A seize ans, je fais une vilaine chute et je me retrouve avec une cheville violacée du plus bel effet. N'écoutant que mon entêtement, j'attends une semaine avant de me rendre chez le doc, verdict: déchirure des ligaments de la cheville gauche, une opération, de longs mois de plâtre et de réducation et une cheville à jamais fragilisée.
A vingt ans, je m'aperçois que j'ai de drôles de petites tâches douloureuses sur l'entiéreté de mes jambes, mon brave médecin traitant reste sceptique, mais fait des pieds et des mains pour trouver l'origine du mal. Le diagnostique tombe, bénin heureusement, un érythème noueux. Je passe 10 jours en clinique, à me faire mater les gambettes par la plupart des jeunes internes de toute la province. Un régal.
A 24 ans, le jour du déménagement dans notre nouvelle maison de frais propriétaires, je fais une voltige magnifique sur le perron, à peine le camion de déménagement arrivé dans l'allée.
Sous les yeux ébahis des nouveaux voisins, je me retrouve avec une cheville-pied-jambe qui triple de volume et devient instantannément violette.
Urgences, radios, hosto pendant deux jours pour des examens complémentaires. La jambe dégonfle mais le bleu s'étend. Les docs restent sceptiques. Finalement ça s'estompe légèrement, mais au jour d'aujourd'hui, 11 ans après, c'est toujours visible...
25 ans, premier accouchement. Je rentre en clinique pliée de contractions et je vois la tête de l'infirmière changer en voyant mes résultats d'analyses sanguines.
J'ai à ce moment là, d'autres chats à fouetter, donc je case l'information dans un coin de mon cerveau, sans m'en occuper.
La réalité me ratrappe assez vite par un jeune anésthésiste me disant qu'il est hors de question que je bénéficie de la péridurale. J'ai chopé un truc, on ignore ce que c'est, mais lui, il se mouillera pas...
25 ans et quelques jours, frâichement maman, fraîchement demontée par un accouchement des plus pénibles et longs, je rencontre un hématologue, qui me dis en gros (j'avais pas tout saisi à l'époque) que j'ai un problème d'anti corps qui modifie mes paramètres de coagulation. C'est pas dangereux sauf dans certains cas mais il faut surveiller.
J'ai une de fois de plus, d'autres chats à fouetter, je ne m'en occupe guère.
Juillet 97. Je décide avec ma meilleure amie de m'offrir une journée loin des couches et nous partons en goguette faire les soldes (deux heures de train). Dès le matin, je sens que quelque chose ne va pas avec ma jambe. J'ai mal, je me déplace difficilement (génial pour faire les soldes) bref, c'est pas le pied (sans jeux de mots).
Courant de journée, ça devient carrément intenable, ma jambe est gonflée, super rouge et bouillante, je m'arrête à une pharmacie. On me conseille du gel fraîcheur, genre relaxant pour les sportifs. J'en applique, j'ai l'impression que ça me tue ce truc, j'arrête de suite et on décide de reprendre le train direction maison.
A destination, je joins mon gentil doc, qui après inspection minutieuse ne trouve rien.
Je passe le week end en pleurant sur ma jambe difforme mais je tiens.
Lundi matin, réveil et surprise. Plus moyen de respirer, un truc énorme m'écrase la poitrine, me vrille à chaque inspiration, y comme qui dirait un soucis.
Vite le doc, et là ni une ni deux, il me dit, c'est urgences immédiatement.
Comme je suis pas en état de conduire la marraine de mon petiot nous y emmène dare dare.
Arrivés en clinique, j'ai un comité d'accueil digne des plus grands dirigeants. J'en suis encore à me demander ce qui m'arrive quand on m'explique que mon doc les a prevenus de mon arrivée (je vennais pour une entorse moi en toute innocence), que je vais être admise en cardiologie car je fais une énorme phébite avec embolie pulmonaire...
J'y connais pas grand chose mais les termes ne me disent rien qui vaille, donc je panique un tantinet avec mon bout de chou de 7 mois dans les bras et une marraine totally paniqued.
Je passerais sur tous les détails pas très softs de toutes les interventions d'urgence du jour, j'oublierais de vous dire que la dite marraine s'est plantée en voiture en retournant, avec mon bébé, que je n'ai eu de visites que tard le soir, tant et si bien que je me demandais si on ne m'avait pas abandonnée à mon triste sort (en fait pour ne pas m'alarmer, toutes les personnes qui m'avaient eu au tel, avaient "omis" de me parler de l'accident de voiture, et mon mari avait mis la journée à sortir la voiture du fossé, à gérer un bébé de 7 mois et sa femme, qui avait failli y passer en clinique...)
Bref, une journée à oublier, un séjour en clinique à oublier et même un 12 juillet 98 à oublier, malgré que la France a gagné la coupe du monde, et que j'ai regardé le match dans une sordide salle télé de l'hosto, seule avec une quinzaine de petits vieux à moitié amorphes.
Tout ça pour vous dire, qu'alors que je vennais de passer des mois extrêmement difficiles (voir entre autres, post "Fleurs" du 16/12/06), que la vie avait encore une fois décidé de n'en faire qu'à sa tête, à la fin de mon séjour hosto, un bien beau médecin hémato-cardiologue m'a annoncé que plus jamais je n'aurais d'enfants...
Alors quand ce matin, mon Mignon m'a instament de ses yeux bleus prié, de le laisser l'école sécher, j'ai pas un instant refléchi et j'ai de suite, dit oui :o)