dimanche 19 novembre 2006

Cochon qui s'en dédit

Sale temps pour sortir.
Emmitoufflées dans nos manteaux on tente une soirée.
Pour moi première incursion en terrain inconnu dans ce bled méconnu.
Pour toi une sortie de plus, un samedi soir banal, la chasse du week end.

Je ne sais si le lendemain tu as dit avoir eu une belle prise.
Toujours est il que là, 16 ans après, tu la tiens encore dans ta gibecière.

Par quoi ai je été attirée?Aucune idée.
Sûrement un goût de nouveauté. Sûrement aussi par ton cran, ton côté atypique.
Moi la fille de la ville qui débarque dans ce village paumé, sûrement que j'attendais une pointe d'exotisme.
J'ai pas été roulée...

Tes études étaient priorité, tes copains toujours scotchés, ta famille un bloc à ingérer.
Maintenant je comprends que tout était vital.
C'est juste que j'enviais ce que je ne connaissais pas.

D'indifférence en éloignement, je me suis accrochée. Tu avais bien senti le mode d'emploi.

La communication au rabais, le côté taillé sur pierre, le manque d'écoute, j'en avais cure.
J'avais besoin de solidité et tu en étais l'essence pure.

Je regrette de ne pas avoir la sensibilité, de manquer de tendresse, de devoir passer ma vie à nous gérer, toi moi les enfants, notre vie sociale.
De devoir inventer tous les jours des monologues qui peupleront les silences que tu laisses s'installer sans en ressentir de gêne.
Mille amis, mille sorties, mille contacts, mille feux, mille vies je m'invente. Pour me sentir vivre.
Nous ne sommes pas faits de la même pâte.
La différence a construit et en même temps zebré notre union.

Mais paradoxalement tu m'as apporté tout ce dont j'avais besoin.

Un gendre parfait pour mes parents, un fils qu'ils n'ont plus, un couple solide aux yeux de tous, des enfants superbes avec un papa juste et loyal, un homme ni soulard ni flambeur ni paresseux, présent tous les jours, un nom, une aisance financière, une reconnaissance, une certaine idée de la famille et puis un formidable aspect positif de la vie.

De l'insouciance même, pour toi tout est possible, tu n'as pas les solutions mais on peut arriver à tout, la preuve t'y arrives toujours.
La vie serait presque facile avec toi.

Presque.... si je n'avais pas d'états d'âme.
Des soirs de pluie dans mes yeux et du brouillard dans le coeur.
Si je ne me disais pas parfois qu'avec un autre quelqu'un, je serais épanouie.

Le problème est en moi.
J'ai voulu donner priorité à des vies qui ne sont pas la mienne.
Mes parents, point d'orgue de toute mon existence.
Je leur ai apporté sur un plateau la vie revée des autres.

Je vais bien en apparence - largement suffisant, j'ai un bon boulot, une belle maison, deux superbes enfants, un mari adorable, une situation financière confortable.
Tout ce qu'aucun de leurs trois autres enfants n'a réussi à construire.

Je fais leur fierté.
Quand ils ont de la visite ou même chez le boucher ils peuvent en parler, des étoiles plein les yeux, eux les immigrés à qui personne n'a pensé.

Pour ce que tu es, pour ce que j'aimerais être, pour mes enfants, mes parents et tous les autres.
Je reste.

Tous les jours je voyage, au figuré.
Parfois je prends un billet dans le réel.
Souvent je suis déçue du vol. Je ne sais dire ce qui a manqué.
Alors je me convaincs que je suis une touriste exigeante et que j'en demande trop aux voyagistes.

Peut être un jour, trouverais je ma destination idéale.

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