mercredi 15 novembre 2006

Chemin de vie

D'aussi loin que je me souvienne, je ne suis de nulle part.
Née par accident après 3 enfants voulus dans un pays qui ne me demandait pas, je me suis souvent sentie à part malgré tout l'amour que je sais maintenant que mes parents ont pu mettre dans leur relation avec moi.
De mes premières années de vie je ne garde aucun souvenir si ce ne sont ceux, qui à force de m'avoir été racontés par la famille ou via des photos, se sont profondément ancrés dans ma mémoire.
La vie d'immigrants est semée de doutes, d'incertitudes et d'obstacles. A présent, je conçois mieux tous ces changements, ces départs, ces retours, tout ce qu'ils ont subi.
Longtemps je n'ai cru qu'à de l'instabilité, de la poisse. Plus tard j'ai compris que c'était plus complexe que ça. Ils ne sont pas nés pour vivre quelque chose d'heureux, leur chemin sera pénible et surtout long et on ne pourra jamais rien y faire.
A 4 ans ils m'embarquent, vers un monde meilleur, leur a t on promis. Un mensonge de plus.
La crédulité dont ils ont toujours fait preuve et qui continue de ruiner leur quotidien et le mien, me sidère encore.
Ils avaient trimé pour obtenir un permis de travail, un emploi stable, une maison et une reconnaissance.
Ils débarquent dans une maison inhospitalière, avec une belle famille qui n'attend d'eux que soutien et soumission aux traditions mises en place voilà longtemps.
Papa se réfugie dans l'illusion qu'il est bon d'être revenu au pays, qu'il est fier de veiller sur ses parents, lui le seul fils.
Maman s'enterre dans un mutisme fait de douleur et d'humiliation, avoir tout quitté après en avoir autant bavé, pour se retrouver aux ordres d'une belle mère acariâtre qui ne voit jamais le plancher assez bien ciré à son goût.
Le paradis n'était pas au bout du voyage et l'emploi fixe comme tout le reste était fictif.
Il s'embarque dans un pays en guerre pour aller réparer les chars d'assaut et autres engins englués dans le désert de l'Iran. Subvenir aux besoins de la famille, pleurer des larmes de sang pendant des mois sans nouvelles des siens, 4 enfants et une épouse laissés livrés seuls.
Il résiste et revient des années plus tard retrouver les siens qui n'en sont plus, ces enfants qui ont grandi sans lui, cette épouse déjà fatiguée de la vie.
4 enfants, 3 drames, 2 décès et 1 survivante.
Chemin de vie. Quels choix déterminent ce que l'on est aujourd'hui?A quel moment fallait il dire stop et changer de voie.
Je l'ignore. Je sais juste que ce passé de souffrance dont surement j'en ignore encore le quart me poursuit toujours, a dicté mes choix et influencé mes actes de tous les jours.

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